J'ai ramassé à nos pieds les morceaux d'argile
Que j'ai mis dans le four brûlant de mon cœur
En ruine. J'ai fait fondre ma vie alliage d'or
Et de plomb pour me faire un corps nouveau
Identique à l'ancien et pourtant si différent

*

Et la douleur fut si sourde et si aigüe
Qu'un pan de moi s'est déchiré, béant
Je suis resté sur le rivage à me remplir
De toute l'écume sombre de l'univers
Qui aurait cru que c'était ça ressusciter

*

Je me suis coupée en deux
Sous la chaude lame des ardeurs
En pensant multiplier la vie, naïve
J'ai donné le sein à ces moitiés sans voir
Que pour l'une née l'autre en est morte

*

Le temps de réaliser qu'il n'y avait plus
Que tes plumes dans mon lit encore chaud
Tu étais déjà loin, quelque part à Madagascar
Ou peut-être au café du coin, même si
Je sais très bien que tu n'aimes pas le café

*

Voilà, tout est sorti. Les mots les larmes
Il ne reste que cette longue douleur
Qui a planté ses racines et fait son nid
Peuplé mon tronc de mille chenilles
Dont les pattes sont de fines aiguilles

*

Les gens du métro forment une masse
Où je me sens bien, reconnu par indifférence
Comme un être-objet qui occupe un espace
Je me sens plein dans le solide coude-à-coude
Mieux disons que dans l'intermittence du doute

*

J'ai souvent perdu au jeu d'être à l'heure
Trop tard ou trop tôt j'apprends les règles
Dans la douleur et qui voudrait d'un adversaire
Qui traîne avec espoir son fardeau de lenteur
Résolu d'être meilleur à la deuxième partie

*

Dans ma maison tout est cassé, pourtant
Pas un bris de verre, pas une odeur
Pas une seule petite fourmi alarmée
Juste la déchirure du cosmos
Qui s'effondre dans un silence abominable

*

Putain merde fait chier revoilà le Mur
Je ne sais plus faire moi, l'escalade
M'a laissé des marques, seule option creuser
Bouffer la terre et ses locataires – tout
Plutôt que l'âpre goût du ciment

*

Imaginons qu'il y ait deux chemins
L'un solide et ensoleillé, l'autre boueux
Mais vous aimez la boue, son bruit
Sa forte salissure et son instabilité
Il serait sot de vous dire qu'on s'y enfonce

*

Je suis une radio qui émet dans la nuit
Sur une île lointaine où les fleurs ont fané
Deux vieux crabes se dandinent sur un blues
Et me pincent quand je rêve tout enrayé
Du jour où je capterai ta station

*



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