Nous n’avons qu’un visage et nous en avons plusieurs. Nous sommes uniques et nous sommes les mêmes. Comme un miroir brisé aux reflets disparates, l’être est multiple et pourtant c’est dans sa multiplicité qu’il rejoint l’Autre. Avec la série Caractère, je m’amuse de ce paradoxe.
Car, étonnement, ce détour par l’autoportrait m’a ouvert la voie vers l’universel, comme si creuser plus profondément en soi révélait avec plus d’évidence les rouages communs de l’humanité. De fait, nous sommes tous des variations autour des mêmes briques élémentaires, de la même palette de couleurs.
En déconstruisant son idiosyncrasie dans une sorte de narcissisme sans pudeur, on redécouvre l’essence de l’identité. Non pas celle d’un être métaphysique, mais bien d’un être réel, pétrit d’automatismes sociaux-culturels, foulé de ses obsessions, angoisses, de ses rêves et souvenirs, de ses illusions, ses mensonges.
Je suis celui-là et je suis celui-là aussi. Un être et son contraire à la fois. L’enjeu derrière tout cela est une résistance à la simplification systématique des individus à leurs groupes d’appartenance (culturels, politiques, religieux). Par commodité du langage, nous emboitons la complexité du réel dans des signes-relais qui finissent, à l’usage, par se substituer aux choses elles-mêmes. Le portrait devient la personne. Mais le portrait n’est jamais totalement la personne. C’est dans la perte ce totalement que s’engouffre le malaise de notre époque.